« Nous avions une communication intuitive, intense, souvent sans mots. Nous avions une voix commune qui se posait ailleurs.» Speechless Voices cherche ainsi à inventer par la danse un langage partagé pour emplir l’espace, traverser le corps des spectateurs, se connecter à l’autre.
En entrant dans cette pièce de groupe, la chorégraphe genevoise a aussi plongé dans les films de Pier Paolo Pasolini. Elle y a trouvé la phrase d’Accatone au moment où il chute de sa moto et meurt sur un trottoir de la banlieue romaine : « Sto bene. » « Je suis bien. ». Ce qui met Speechless Voices dans un rapport à la mort qui n’est pas seulement d’affliction. Elle a également trouvé la Médée du poète italien: une figure barbare, intraitable, peinte comme une luciole en éternelle survivance, et qui va donner à la pièce chorégraphique la puissance des rituels recherchés.
Si le mouvement est ici conçu de l’intérieur des sons électroniques de Mika Vainio, il est aussi installé dans une dépendance affichée à la peinture : celle de l’artiste belge Michaël Borremans. Speechless Voices inscrit les danseurs dans une réalité narrative nouvelle. Les qualités habituelles du mouvement de Cindy Van Acker – lenteur, géométrie et abstraction – se laissent colorer par du figural, des images lisibles, des stases expressives. Une communauté humaine est entrée dans le tableau, qui cherche par le corps à ritualiser l’absence et la présence, la solitude et la relation, afin de les transmuter. Les déploiements machiniques, végétaux ou animaux qui vitalisent la plupart des pièces de la chorégraphe rencontrent ainsi des énergies plus clairement anthropocentrées. Produisant une danse et des danseurs comme tirés hors des toiles du peintre.