Bienvenue chez Rosie van Doorn, La Belle au bois dormant afrikaner !
En 2017, le danseur et chorégraphe aujourd’hui genevois fait un séjour artistique à Calvinia, sa ville d’origine. Il y retrouve ses souvenirs – d’amants, de chiens et de promesses d’arcs-en-ciel – et en revient avec des textes, un film et une belle endormie.
L’histoire universelle de la Belle se joue en trois actes : Rosie dort, se réveille et ne se marie pas avec le prince. Ou : Rosie dort, se réveille et ne se marie pas avec la princesse. Toutes les ambiguïtés sont mises en scène, de genre, comme de sentiment, déjouant l’attente d’un happy end ou même d’évolution. Plus qu’une histoire, Rudi van der Merwe campe un tableau fait de strates de souvenirs paradoxaux, où la violence unit et les contraires se ressemblent. C’est bien là la fonction du conte, avant l’ère Walt Disney.
Deux personnages fantasques se partagent la scène qu’occupe un écran habité de mille souvenirs revisités : les amants fortuits ou désirés, les chiens aux parcours cabossés et aux fins souvent brutales, les récits de proches noirs, les humiliations des communautés arc-en-ciel. Interviews, images et textes disent l’éveil sexuel, politique et social, exposent les non-dits et les espoirs. Sur le fonds de cette toile, Rosie s’éveille et découvre ses épines.
De I’d like to save the world, but I am too busy saving myself (2010) jusqu’à Blue Moves (2018), Rudi van der Merwe souligne les urgences politiques et sociales, usant le corps et la scène comme les lieux de possibles utopies. Il les habille de costumes, de dentelles, de sensualité et de lumière, superpose les sons et les voix : Lana del Rey, Rihanna et Brenda Fassie (la Madonna sud-africaine) se juxtaposent en anglais et langue zoulou. Du souvenir, du glamour, de la nostalgie traversent Lovers, Dogs and Rainbows comme les couleurs pâles d’un arc-en-ciel dont nul connaît le début ni la fin. Comme une consolation.
bio
Etabli à Genève depuis 2004, après des études de théâtre à Stellebbosch (Afrique du Sud), de lettres et de cinéma à Strasbourg, Rudi van der Merwe réalise depuis 2010 des œuvres chorégraphiques et multidisciplinaires. Ses créations traversent les thématiques liées aux relations de pouvoir, à l’individuel contre le collectif ou l’humain confronté à l’infini et l’éternel.