Née à Mutare (actuel Zimbabwe), Nora Chipaumire forme et éveille son corps adolescent sur les musiques de Patti Smith, Grace Jones et Rit Nzele. Du Punk, de la Pop et de la Rumba congolaise : plus que des musiques, des idéologies. Elles traversent #PUNK 100% POP *N!GGA que la chorégraphe aujourd’hui new-yorkaise crée en 2018. Trois performances venues réparer l’image de l’Afrique, émanciper le corps noir féminin, ce corps citoyen de Brooklyn que l’on dit sauvage, superbe, peccamineux et tentateur. La scène est une arène tremblante sous la vibration des sons, des danses et des voix.
Dans #PUNK c’est celle de l’iconique Patti Smith qui file sous celle de la performeuse. Avec Rock ‘n’ Roll Nigger, la rockeuse annonçait l’ère punk en chantant « Jimi Hendrix was a nigga. Jesus Christ and Grandma, too. Jackson Pollock was a nigga » offrant un étendard de reconnaissance aux Africains noirs.
Avec 100% POP – comme populaire, accessible, pour tous – s’élève celle de Grace Jones, égérie pop asexuée dont le One man show enjambait les barrières de genres et de couleurs.
Le provocateur *N!GGA ferme la trilogie avec Rit Nzele, l’atalaku, celle qui anime, la mc de la rumba congolaise, l’oracle de l’esthétique africaine, de son génie et de sa créativité.
Chaque performance est un album-concert, un paysage sonore et vocal où la musique donne la couleur et Nora Chipaumire donne de la voix. La voix, c’est Dieu qui se manifeste, qui réveille le squelette, le met en mouvement et lui donne vie. C’est le souffle qui traverse le corps du danseur jamaïcain Shamar Wayne Watt et secoue celui du public, car #PUNK 100% POP *N!GGA est une expérience de la pensée vivante et collective, un engagement à manifester.
Engager le corps c’est la condition de sa libération, de victime à victorieux. « Pour ceux qui n’ont pas de classe ni de pouvoir, le corps est l’instrument de son autonomie », rappelle Nora Chipaumire dans chacune de ses performances. Après son exploration de la masculinité, dans Portrait of myself as my father en 2016, l’artiste nous fait participer à son identification des stéréotypes sociaux et esthétiques dans une ferveur collective qui pulse, happe et se vit debout.
bio
Chorégraphe et performeuse née au Zimbabwe en 1965, Nora Chipaumire s’installe à New York après avoir étudié la danse en Afrique, à Cuba et en Jamaïque. Depuis sa première pièce Chimurenga en 2003, son travail déconstruit les stéréotypes sur le corps noir et le genre. Puisant souvent dans sa vie personnelle, ses pièces (Dark Swan, portrait of myself as my father, rite riot…) lui ont valu la bourse Guggenheim 2018 et trois Bessie Awards. Sa prochaine création est un opéra intitulé Nehanda (2020).